lundi 10 novembre 2008

Karim Achoui, Avocat à abattre, partie 1



Libération daté du 18 septembre 2008 a fait de lui le portrait suivant :

Portrait de Karim achoui.
Cet avocat du grand banditisme vient, à 41 ans, de réchapper à une tentative d’assassinat. Avant de comparaître aux assises comme accusé, il publie un livre plaidoyer.

Cheveux gominés, costume Smalto, souliers Berluti, Maître Karim Achoui, rescapé d’une tentative d’assassinat par deux motards casqués, collectionne les montres Rolex, les bronzes grecs, les voitures de sport, les belles filles, les clients bandits, les ennemis policiers et les ennuis judiciaires. A 41 ans, le voilà bientôt renvoyé devant la cour d’assises de Paris, accusé de complicité dans l’évasion du braqueur de fourgons blindés «Nino» Ferrara et de participation à «l’association de malfaiteurs». Encaisser des balles de gros calibre en plein Paris pour un avocat, ce n’est déjà pas banal, mais se retrouver de l’autre côté de la barre aux assises, c’est le monde à l’envers. Du coup, le «baveux» du milieu se rebiffe.

A quinze jours de son procès, Karim Achoui dégaine un livre plaidoyer : un Avocat à abattre, charge contre les flics, dénonce un prétendu «complot policier». Il a hésité à recevoir Libération par crainte qu’on ne «l’assassine au bazooka» mais plaide finalement sa cause pendant trois heures, enflammé et véhément, dans son somptueux mais sombre cabinet du boulevard Raspail, tout de noir et de violet. Rompu à la défense des voyous, Me Achoui défend sa peau de la même manière. Il nie tout. Se dit innocent. Proteste. Réfute même ses travers les plus mineurs, comme sa possession d’une Ferrari. Accuse en retour la police : «Comme je suis un brillant pénaliste et que j’ai réussi à faire libérer de gros truands, une frange de la police parisienne a voulu me régler mon compte.» Traité par la brigade de répression du banditisme d’avocat «sulfureux» et «borderline» enclin à «franchir la ligne jaune» et à «rendre des services» à ses clients, Me Achoui qui a réchappé de justesse à la mort le 22 juin 2007 tient à rectifier le tir : «J’ai eu besoin de me présenter de manière objective et neutre à ceux qui ont vu et entendu “Quelle crapule, il l’a bien mérité”.»Il a écrit ce livre avec Henry-Jean Servat, journaliste people à Paris Match rencontré «à l’opéra» et compte l’adapter au cinéma avec «un grand producteur».

Fils d’Algériens, d’une mère couturière devenue assistante maternelle et d’un père ouvrier chez Renault puis tenancier d’un petit café, ce «Kabyle de Boulogne-Billancourt» a quatre frères et sœurs, un bac scientifique, une maîtrise de droit, un talent certain et une ambition démesurée. Traité «d’Arabe» à l’école, salué par un «brouhaha» réprobateur lors de sa prestation de serment d’avocat, Karim Achoui a pris sa revanche pour colmater «sa blessure de bâtard». Associé en 1994 avec son prof de fac Jean-Marc Florand, Me Achoui obtient cinq ans plus tard la révision du procès de Patrick Dils, acquitté par la suite du meurtre de deux enfants dans l’Est de la France. Son nom émerge alors. Mais c’est son cousin Farouk, fiché au grand banditisme, qui lui met le pied à l’étrier, lui envoie des petits dealers de cités puis un gros braqueur de la banlieue sud, Serge Lepage, emprisonné pour un règlement de compte. Me Achoui démonte la procédure, débusque les failles, traque les vices de forme puis lui décroche un non-lieu en 2000. Il se taille alors «une réputation d’avocat d’enfer» dans le milieu. Il dépeint sa salle d’attente bondée de voyous qu’il reçoit «à la file indienne, collés serrés». Il obtient dans la foulée la libération du «roi des gitans», Marc Hornec, chef de famille de Montreuil qui passe pour un «parrain», alors que «des confrères plus émérites, des ténors du barreau ont renoncé au combat».

Il quitte Me Florand en 2001 sur un conflit lié «à la clientèle», repart quasiment de zéro et monte son cabinet. Bien obligé de se mettre en quatre pour ses clients un peu spéciaux mais jamais à court d’argent, qui paient rubis sur l’ongle. Il se sent «grisé par sa réussite fulgurante», écrit-il, et se coule «avec un plaisir évident sinon avec une volupté indicible dans la peau du “baveux” des truands, selon leur jargon». Amateur de la littérature russe de Dostoïevski et de «ses plongées dans les tréfonds de l’âme des hommes», Karim Achoui voit sa «vie soudain devenue un roman d’aventures» ou un film de gangsters : «L’attrait qu’exerçait sur moi l’univers glauque et froid, voire ensanglanté, des voyous me replongeait, évidemment, dans les films noirs des grandes années d’Hollywood que j’affectionnais particulièrement», lit-on sous sa plume. Pourtant, Karim Achoui se met à nous jurer le contraire, inquiet tout à coup du mauvais effet que sa fascination pour la pègre pourrait susciter chez les jurés : «Je n’ai jamais eu de relation d’affection ou d’admiration avec des voyous. Ils ne font pas rêver, ils mentent et ne vous emmènent pas dans leur monde.» Il dit mépriser le degré zéro de cadors du milieu qui, dans de grands restaurants, lui lancent : «Ah, c’est bon le manger, Maître !» Il se montre bien plus indulgent avec le «roi des gitans» qui l’a «impressionné» : «C’est un gentleman, un seigneur, attaché à sa famille, jamais de boîte de nuit ou de vulgarité, avec un esprit bio, nature. Marc Hornec, c’est le respect et la courtoisie…» Les victimes de saucissonnages à domicile, d’extorsions de fond et d’attaques à main armée des hommes du clan H. n’ont pas eu droit à tant de «respect et de courtoisie». Mais le fonds de commerce de Me Achoui ne se situe pas du côté des parties civiles. Il a un faible pour les «escrocs fascinants, beaux parleurs», à l’instar de son ami Christophe Rocancourt, l’imposteur d’Hollywood, qui trouve«ce cher Maître attachant, fidèle en amitié» : «On a boxé ensemble. Karim est mauvais sur un ring mais dans la vie, c’est un puncheur, un homme debout.»

Divorcé avec fracas de Yacout, la belle-fille d’un commissaire épousée en 2001, Karim Achoui bataille ferme pour la garde partagée de Séraphin, 5 ans. Son ex le déteste et le charge devant les juges qui ont instruit l’évasion de Ferrara : «Pour son ego et pour l’argent, Karim est capable de tout.» Suspecté d’avoir fait donner le «top départ» de l’attaque de Fresnes à Ferrara contre «dix plaques», Me Achoui balaie d’un revers de manche l’accusation. Il conteste tout autant les dires de truands qui lui reprochent d’avoir «parfois pris du pognon, 30 000 ou 50 000 euros pour sortir un mec du “trou” sans tenir sa promesse et de ne pas avoir rendu l’artiche», ce qui lui aurait valu des expéditions punitives. En colère, Karim Achoui met ces allégations sur le compte du «fantasme policier» ou de tentatives de racket : «Une bande fait croire qu’on leur a volé 50 000 euros. Un bon Samaritain intervient, soi-disant pour arranger les choses, et dit : “Allez, 20 000 suffiront.” C’est du Rif [racket, ndlr]. Dans ce cas, je dis au bon Samaritain : “Sois gentil, écarte-toi de là.”» Le seul tort que Karim Achoui se reconnaisse, c’est son manque de méfiance et de clairvoyance sur les «manigances» qui se tramaient dans son dos, à cause de ses «succès judiciaires». Il impute sa tentative d’assassinat à un indicateur téléguidé non pas «par un gang à cause d’une grosse dette», hypothèse de la brigade criminelle, mais «par une frange de la police pour l’éliminer». Il signe donc une virulente contre-attaque avant les assises : «Si j’étais mort, sur ma pierre tombale, comme épitaphe, il n’y aurait pas eu que des belles choses. J’ai voulu montrer que je ne suis peut-être pas un ange blanc mais je ne suis pas non plus le roi des voyous abattu au 11 virgule (11,43), le calibre des truands.»



Pour suivre l'actualité de cet avocat atypique, rendez-vous sur son blog :
http://maitreachoui.wordpress.com/

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